La psychanalyse a très tôt reconnu son importance « technique » dans le déroulement d’un traitement analytique. Certains ont même soutenu que sans échange d’argent il n’était pas de véritable analyse. C’était sans doute aller un peu loin, même si l’on a pu constater que la gratuité compliquait les choses. Dans tous les cas, sa signification transférentielle et symbolique demeure : il est le médiateur qui transforme la dette de chair en dette d’argent, le support de la perlaboration de ce qu’en allemand on nomme Schuld : à la fois dette et culpabilité.
Du côté du patient, l’argent reste un champ privilégié des résistances et de la contestation. Du côté des analystes, le montant des honoraires, le paiement des séances manquées, la question du remboursement par l’assurance maladie, le fantasme de fraude fiscale, la supposée richesse de l’analyste sont autant de sujets dont il est délicat, voire honteux, de parler.Cependant, au-delà de ces aspects techniques, la fonction symbolique de l’argent soutient la neutralité de l’analyste, son « refusement » : le payer en argent évite d’avoir à le payer en nature. De plus, l’analyste vit de son activité, il doit être rémunéré. Est-ce une rétribution pour un travail, un paiement pour un service, un sacrifice, un cadeau ? Apparaît alors le fantasme de prostitution et la livre d’or redevient livre de chair. Avec elle, amour, haine, fantasmes de jouissance et de meurtre se répondent, s’entremêlent, s’opposent.Mais avec la dématérialisation toujours plus radicale de l’argent : de l’or au billet de banque, du billet au chèque, puis à la carte bancaire, devenue sans contact, voire au virement, une voie régressive semble vouloir le désolidariser de son lien au corps, à l’analité. En perdant de la matière, aurait-il de moins en moins d’odeur ?